TROUBLES DE VOISINAGE

Même si vous ne vous entendez pas avec votre voisin, il est toujours mieux de tenter de régler la dispute de façon amicale.

Si votre voisin n’adhère pas à votre position, la première étape est de lui faire parvenir une lettre de mise en demeure afin de lui demander de se conformer à ses obligations légales. Celle-ci peut exiger, entre autres, la cessation du comportement nuisible, l’octroi d’une compensation au défaut de se conformer à vos demandes, etc.

Conséquemment, si votre voisin ne se conforme pas à vos exigences et persiste dans son défaut, vous pouvez saisir le tribunal via une action civile et demander la sauvegarde de vos droits, obligeant votre voisin à cesser l’action qui a engendré le trouble, ou encore enjoindre ce dernier de réparer le problème de façon urgente.

Dans l’éventualité où le trouble de voisinage n’engendre pas de situation urgente, vous pouvez déposer, devant la cour, une réclamation en dommages afin de compenser le préjudice subi en raison dudit trouble.

Des exemples fréquents de litiges entre voisins sont reliés aux bruits, aux arbres, au surplomb d’objets sur le terrain, aux vues illégales, aux servitudes et droits de passageaux lignes de bornes entre deux terrains contiguës, à l’eau qui coule sur votre propriété ainsi qu’aux travaux de rénovation.

De plus, la source initiale de ces types de disputes entre voisins se rattache dans bien des cas à une question de prescription acquisitive ou une prescription extinctive.

1) Le fonds et le bornage 

Les limites d’un fonds sont déterminées par les titres, les plans cadastraux, la démarcation du terrain et, au besoin, par tous autres indices ou documents utiles.

Un problème qui arrive fréquemment au cours d’une relation entre voisins est celui portant sur la ligne délimitant deux propriétés contiguës. En effet, une clôture commune (ou tout autre ouvrage du même type) pourrait dépasser la ligne de bornage originale. Il y aurait par conséquent empiétement.

Afin de pallier ces différends, l’article 978 du Code civil du Québec indique:

« Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contigües pour établir les bornes, rétablir des bornes déplacées ou disparues, reconnaitre d’anciennes bornes ou rectifier la ligne séparative de leurs fonds. »

Il doit au préalable, en l’absence d’accord entre eux, mettre le voisin en demeure de consentir au bornage et de convenir avec lui du choix d’un arpenteur-géomètre pour procéder aux opérations requises, suivant les règles prévues au Code de procédure civil du Québec. En l’absence d’une entente vis-à-vis le choix d’un arpenteur-géomètre, la cour pourra en assigner un.

Le bornage consiste à déterminer la ligne séparative entre deux propriétés voisines appartenant à des propriétaires différents (il est bien important d’être titulaire du droit de propriété de l’immeuble ou du fonds en question).

Seul un arpenteur-géomètre autorisé par la province aura le pouvoir de déterminer officiellement cette ligne séparative.

Par ailleurs, dans le cas des copropriétaires de parties privatives contiguës (i.e. propriétaires d’un condo dans une tour à condo), ces derniers peuvent modifier les limites de leur partie privative sans l’accord de l’assemblée, pour autant qu’ils obtiennent le consentement du créancier hypothécaire et du syndicat, et que ce changement ne modifie pas la valeur de l’ensemble des parties privatives modifiées ou celle des droits de votes qui y sont rattachés.

Rapport de l’arpenteur-géomètre

En vertu du Code de procédure civile, l’arpenteur-géomètre en question devra produire un rapport faisant état de la limite entre les immeubles ainsi que toutes les opérations qui ont été nécessaire pour déterminer cette limite. Si les parties, voir les propriétaires, acceptent ledit rapport, celui-ci sera déclaratif de la ligne séparative des immeubles et du droit de propriété. Ils devront alors demander à l’arpenteur géomètre de dresser un procès-verbal d’abornement et de procéder à l’inscription du procès-verbal au registre foncier.

Si l’un des propriétaires refuse le rapport de bornage, celui-ci devra, dans un délai d’un mois, demander au tribunal de déterminer la ligne séparative. Le tribunal ordonnera alors à l’arpenteur-géomètre d’établir le procès-verbal d’abornement et d’inscrire ce dernier ainsi que le jugement au registre foncier.

Au surplus, si le bornage peut affecter un immeuble non contigu à l’immeuble du demander, le tribunal pourra ordonner l’intervention du propriétaire tiers concerné.

Enfin, tout propriétaire pourra obliger son voisin au bornage de leurs propriétés voisines (contigües).  Les frais d’expertise, voir l’arpenteur-géomètre, seront partagés également entre les propriétaires concernés, alors que les frais de l’abornement et du procès-verbal seront partagés proportionnellement à la ligne de bornée de chaque immeuble.

2) Servitude

La notion de servitude est bien définie à l’article 1177 du Code civil du Québec:

« La servitude est une charge imposée sur un immeuble, le fonds servant, en faveur d’un autre immeuble, le fonds dominant, et qui appartient à un propriétaire différent.

Cette charge oblige le propriétaire du fonds servant à supporter, de la part du propriétaire du fonds dominant, certains actes d’usage ou à s’abstenir lui-même d’exercer certains droits inhérents à la propriété.

La servitude s’étend à tout ce qui est nécessaire à son exercice. »

Une servitude est donc le fait pour un propriétaire d’accepter de transférer un avantage offert par son fonds. Ainsi, l’un des fonds va rendre le service (fonds servant), alors que l’autre en bénéficiera (fonds dominant).

Il est toutefois important de ne pas oublier qu’une servitude profite non pas à une personne, mais à un fonds. Une servitude a donc un aspect perpétuel, sous réserve d’une convention à l’effet contraire, puisque cette dernière sera grevée à l’immeuble qui en bénéficie, et donc les droits qui en découlent seront vendus ou hypothéqués avec l’immeuble en question, y apportant ainsi une plus-value considérable.

Néanmoins, certaines servitudes, voir des servitudes personnelles, profitent non pas à l’immeuble, mais à des parties. On retrouvera alors un fonds qui sera au service personnel d’une ou plusieurs personnes.

La constitution d’une servitude

Il faut d’abord mentionner qu’il existe plusieurs types de servitudes : quelques-unes empêchant votre voisin de poser certains gestes, et d’autres vous donnant le droit d’user ou de faire quelque chose sur le fonds voisin.

Ainsi, votre immeuble pourrait être grevé d’une servitude qui empêcherait le propriétaire du fonds voisin de construire un ouvrage ou un bâtiment au-delà d’une hauteur délimitée afin que vous puissiez bénéficier d’une vue paisible sur le paysage. On parlera alors d’une servitude de vue.

À l’opposé, votre fonds pourrait avoir été accordé un droit de passage sur le fonds voisin afin que vous puissiez accéder à un chemin public. On fera alors référence à une servitude de passage.

Une servitude ne se présume jamais. Le droit de propriété étant absolu, il est crucial de retrouver une stipulation claire et non équivoque justifiant l’exercice d’une servitude.

Dès lors, l’article 1181 du Code civil du Québec énonce ce qui suit quant au mode d’établissement d’une servitude :

« La servitude s’établit par contrat, par testament, par destination du propriétaire ou par l’effet de la loi.

Elle ne peut s’établir sans titre et la possession, même immémoriale, ne suffit pas à cet effet. »

Ainsi, seul ces 4 modes permettront la constitution d’une servitude, cette dernière ne pouvant donc être acquise par prescription, c’est-à-dire par le simple écoulement du temps.

Par conséquent, qu’une servitude soit accordée en raison d’un acte de vente, un testament ou encore par destination du propriétaire (lorsqu’une même personne est propriétaire de deux fonds voisins et accorde à un de ses fonds une servitude), il est indispensable qu’un titre constitutif en fasse la description (à moins qu’elle ne résulte de la loi).

Une servitude par destination du propriétaire ne peut se faire que dans le cas où on retrouve une même personne propriétaire des fonds distincts ou d’un fonds non encore morcelé, d’autant plus qu’on devra quand même retrouver un écrit décrivant l’étendu et les modalités de la servitude.

Quant à la servitude par effet de la loi, certaines lois particulières confèrent un pouvoir à l’État d’établir des servitudes afin de répondre à des besoins précis, tel que la construction de routes ou encore l’exploitation de forces hydroélectriques.

Un titre constitutif contiendra donc la description de la servitude, voir l’identification du fonds servant et du fonds dominant, ainsi que la description du type de servitude, de son étendue et de sa situation. La servitude aura avantage à être identifiée avec précision, puisque c’est ce même titre qui servira à déterminer l’usage et l’étendue des droits afférents à cette dernière, permettant ainsi de prévenir un éventuel litige.

L’exercice d’une servitude

Le propriétaire du fonds dominant, soit le fonds qui bénéficie d’une servitude, devra donc exercer ses droits conformément à la description de la servitude dans son titre constitutif. Vous pouvez néanmoins avoir des droits accessoires à ceux décris dans le titre constitutif.

Par exemple, une servitude de puisage d’eau emporte nécessairement une servitude de passage afin que vous puissiez vous rendre au puits en question.

Selon l’article 1184 du Code civil du Québec, le propriétaire qui bénéficie d’une servitude a même le droit de construire des ouvrages nécessaires à l’usage et à la conservation de la servitude. Ce dernier devra néanmoins avertir le propriétaire du fonds servant que des travaux seront entrepris. Dans tous les cas, vous devrez faire attention de ne pas abuser de votre droit, auquel cas le propriétaire du fonds servant pourrait intervenir et solliciter des dommages-intérêts si vous lui avez causé un préjudice irréparable.

Le propriétaire du fonds servant pourra, dans certaines circonstances, déplacer le lieu de la servitude. Ainsi, dans un cas d’un droit de passage, le propriétaire donnant accès au voisin à son fonds pourrait lui demander de changer l’endroit où se trouve le passage, en autant que le nouveau chemin offre des avantages équivalents à celui en place initialement.

L’extinction d’une servitude

L’extinction d’une servitude doit respecter les modalités établies par le Code civil du Québec.  L’article 1191 édicte d’ailleurs ce qui suit :

« La servitude s’éteint:

1°  Par la réunion dans une même personne de la qualité de propriétaire des fonds servant et dominant;

2°  Par la renonciation expresse du propriétaire du fonds dominant;

3°  Par l’arrivée du terme pour lequel elle a été constituée;

4°  Par le rachat;

5°  Par le non-usage pendant 10 ans. « 

Ainsi, si l’une de ces conditions permettant l’extinction d’une servitude n’est pas remplie, vous pourriez faire valoir une action confessoire afin de faire constater par le tribunal l’existence de la servitude et que celle-ci ne s’est pas encore éteinte.

Quant à la notion de non-usage pensant dix (10) ans, étant l’une des modalités d’extinctions ayant engendré plusieurs ambiguïtés, il est important de mentionner que l’inutilité d’une servitude quelconque n’est pas une cause d’extinction. Il faut réellement avoir cessé d’utiliser ladite servitudes pendant dix (10) années consécutives. Toutefois, le non-usage d’une partie de la servitude pendant dix (10) ans pourra entrainer une réduction de celle-ci, sans pour autant l’éteindre.

Enfin, la prescription de non-usage pendant dix (10) ans pour les servitudes dites continues, voir celles qui ne requiert pas d’actions du titulaire, débute au moment où un acte contraire est posé (i.e. on entame la construction d’un ouvrage à un endroit où une servitude de non construction est grevée). L’extinction d’une servitude en raison de non-usage pendant dix (10) ans devra alors être prouvée par celui qui l’allègue.

3) Prescription acquisitive

La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir le droit de propriété par l’effet de la possession et du temps. Pour alléguer une telle prescription, vous devrez avoir été en possession d’un bien ou d’un droit de façon paisible, continue, publique, et non équivoque durant un délai déterminé.

La notion de possession, étant une question de fait, requiert donc la réunion des deux critères suivants :

1) La possession matérielle du bien ou du droit en question,

2) L’Intention d’accomplir des actes en tant que propriétaire, voir une intention de se comporter comme titulaire du droit.

Néanmoins, dès lors qu’on retrouve l’aspect matériel de la possession, le deuxième critère se présume et ce sera à la partie qui conteste ladite possession qui devra démontrer que la possession de l’autre partie ne rencontrait pas les deux critères.

Il existe deux délais de prescription acquisitive reconnus par le Code civil du Québec, à savoir une de dix (10) ans et l’autre de trois (3) ans. En règle générale, la prescription acquisitive est de dix (10) ans, à moins d’une stipulation contraire fixée par la loi.

Une personne cherchant établir l’acquisition prescriptive d’un immeuble doit avoir possédé l’immeuble et agir comme propriétaire pour une période de dix (10) ans. Après la période de dix (10) ans, le possesseur devient propriétaire, et ledit propriétaire peut demander un jugement confirmant les droits de propriété acquis par acquisition prescriptive.

En fait, selon l’arrêt récente de la Cour Suprême Ostiguy c. Allie, 2017 CSC 22, les droits acquis par acquisition prescriptive résultant de la possession et le passage du temps l’emportent sur le registre foncier du Québec. Cependant, il est recommandé d’obtenir un jugement déclaratoire à cet effet afin d’éviter toute ambiguïté.

Le point de départ de la prescription débute, en matière immobilière, à partir du début de la possession continue.

La prescription acquisitive concernant les biens meubles est plutôt de trois (3) ans. Ladite prescription débutera dès lors que le propriétaire original est dépossédé de son bien. Ce dernier pourra néanmoins revendiquer son bien meuble tant que le délai prescriptible de trois ans n’est pas expiré.

Il est aussi important de noter que l’ensemble des biens de l’État sont imprescriptibles.

4) Prescription extinctive

Comme nous l’avons énoncé en ce qui a trait à la servitude, certains droits peuvent s’éteindre par le seul effet du temps. En effet, le non-usage d’une servitude pendant dix (10) ans empêche par la suite le bénéficiaire de celle-ci de s’en prévaloir.

Il en va de même si l’un de vos voisins empiète sur votre terrain en y bâtissant une clôture ou une construction quelconque. Celui-ci pourrait, à la suite d’une période de dix (10) ans durant laquelle il « possède » le terrain sur lequel il empiète, acquérir la propriété de cette parcelle par prescription acquisitive.

Il importe donc de remédier à la situation et de ne pas négliger les effets de la prescription extinctive. Que ce soit par l’intermédiaire d’une lettre, d’une négociation ou d’un recours judiciaire, il est possible d’interrompre, en temps opportun, la prescription.

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Le processus présenté ci-dessus ne constitue qu’un outil de référence et ne comporte aucune garantie relative à votre dossier. Nous vous recommandons fortement de recourir aux conseils juridiques d’un avocat, membre en règle du Barreau du Québec. Les particularités propres à chaque cas d’espèce doivent faire l’objet d’une analyse exhaustive puisque le processus peut s’avérer complexe et techniquement difficile.

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