COMPÉTENCE DU TRIBUNAL DU QUÉBEC

Il importe tout d’abord de faire la distinction entre le droit applicable et la compétence juridictionnelle d’une autorité québécoise en matière d’arbitrage. La loi applicable est la loi qui régit une question juridique, tandis que l’autorité compétente est l’instance appropriée pour statuer sur cette question juridique.

Un tribunal québécois peut-il avoir compétence sur une succession internationale ?

Un tribunal québécois peut avoir compétence sur une succession comportant un élément étranger s’il existe un lien suffisant entre la succession et le Québec.

Les règles relatives à la compétence internationale d’une autorité québécoise se trouvent à l’art. 3134-3154 du CCQ et établissent quelles conditions doivent être remplies pour qu’une autorité québécoise puisse se déclarer compétente à l’égard d’une affaire juridique contenant un élément étranger, tel qu’une succession internationale.

Il existe deux types de règles qui concernent la compétence juridictionnelle d’un tribunal québécois :[1]

  1. Le premier ensemble de règles concerne le lien nécessaire entre le défendeur et/ou la matière juridique et le lieu du forum pour déterminer sa compétence pour entendre l’affaire.
  2. L’autre ensemble de règles vise à moduler les effets de ces règles relatives au lien permettant à une autorité québécoise de saisir le litige auquel, autrement, elles n’auraient pas compétence, ou de refuser les litiges auxquels ils ont compétence.

Rien n’exclut la possibilité pour de nombreux tribunaux d’avoir une compétence concurrente sur une question juridique. Par conséquent, un tribunal québécois saisi d’une affaire judiciaire ne vérifiera que s’il est lui-même compétent pour saisir l’affaire en question, sans se demander si un autre tribunal pourrait être compétent.

Dans le même contexte, un tribunal du Québec appelé à reconnaître et à exécuter un jugement étranger au Québec ne se demande pas si un autre tribunal aurait pu entendre la question, mais seulement si le tribunal étranger était compétent conformément aux critères de compétence juridictionnelle au sein du CCQ.

Lorsque la compétence d’une autorité québécoise est contestée, généralement par le biais d’un moyen déclinatoire, il appartiendra à la partie qui prétend que le tribunal est compétent de démontrer sa validité.[2]

Il est à noter qu’une fois que la compétence du tribunal du Québec aura été établie conformément au Livre X du CCQ, le tribunal aura le pouvoir de rendre toute ordonnance jugée nécessaire à l’exercice de cette compétence, y compris la possibilité d’accorder des injonctions extraterritoriales.[3]

a) Lien nécessaire avec l’autorité du Québec

Pour trancher une question juridique ou une partie de celle-ci devant une autorité québécoise, il doit y avoir un lien important entre la question juridique en cause et le Québec.

Selon la nature de la matière juridique, certains facteurs de rattachement pourraient concerner soit les parties (par leur domicile, leur résidence, leur présence physique, leur choix du forum), ou soit l’objet de la question juridique (le lieu de la dispute, l’endroit où l’acte juridique a été composé ou doit être exécuté et l’emplacement de la propriété en question).[4]

En matière de successions, les autorités québécoises auront compétence lorsque :[5]

  1. La succession a été ouverte au Québec (lorsque le Québec était le dernier domicile du défunt conformément à l’article 613 CCQ);
  2. Le défendeur ou l’un des défendeurs a élu domicile au Québec ; et
  3. Lorsque le défunt a choisi la loi québécoise pour réglementer la succession.

L’ouverture d’une succession au Québec constitue le principal facteur de rattachement à une autorité québécoise. Selon l’art. 613 CCQ, une succession s’ouvrira par le décès d’une personne, au lieu de son dernier domicile. Les autorités québécoises auront donc toujours compétence pour se prononcer en cas de succession où le défunt était domicilié pour la dernière fois au Québec, et ce même en ce qui concerne les biens situés à l’étranger.

Scénario 1

Jane avait élu son dernier domicile au Québec avant de décéder en Allemagne.

Bien que Jane soit décédée en Allemagne, sa succession s’est ouverte au Québec puisque c’est le lieu de son dernier domicile selon l’art. 613 CCQ. Un tribunal du Québec sera donc compétent pour entendre une affaire juridique.

Le deuxième scénario se déroule en matière contentieuse et accorde compétence à une autorité québécoise lorsqu’un ou plusieurs défendeurs ont leur domicile au Québec. En pratique, une autorité québécoise aura compétence dans une succession internationale si l’un des héritiers, légataires ou même un créancier du défunt est domicilié au Québec.

Cette compétence pourrait toutefois être limitée par la présence la faiblesse du lien avec la compétence du Québec.[6] En effet, il est possible de demander à une autorité québécoise de décliner sa compétence en faveur d’une juridiction étrangère en meilleure position pour statuer sur l’affaire juridique.

Scénario 2

John était domicilié en France avant de décéder. Ses successeurs et créanciers étaient tous domiciliés au Québec.

Bien que la succession ait été ouverte en France conformément au droit québécois des successions, un héritier ou créancier de la succession pourra intenter des poursuites judiciaires au Québec, car ils sont domiciliés au Québec.

Le troisième scénario concerne le choix explicite de la loi québécoise par le testateur pour régir sa succession. Ce choix n’est toutefois pas sans limite et est restreint à la loi de l’État du domicile ou de la nationalité du testateur au moment du décès ou au moment où le testament a été rédigé.[7] Notons également que le choix explicite de la loi par le testateur peut être limité si celle-ci prive certains héritiers de la protection qui leur serait autrement offerte en l’absence du choix de la loi en faveur du droit québécois, comme les réserves héréditaires et les pourcentages obligatoires à attribuer à la famille immédiate.[8]

Scénario 3

Jane est née à Montréal et a conservé sa citoyenneté canadienne, mais a établi son domicile en France avant de décéder.

Dans son testament, elle a élu le droit québécois pour régir sa succession. Un tribunal du Québec sera donc compétent pour statuer sur les questions liées à la succession de Jane.

De plus, une autorité québécoise sera compétente pour prendre une décision quant à la dévolution et/ou à la transmission des biens situés au Québec même s’ils ne sont pas compétents vis-à-vis le reste de la succession.[9]

Les décisions prises par une autorité québécoise sans compétence peuvent être déclarées ultra vires et être invalidées en appel, ou s’exposent à ne pas être reconnues et exécutées  dans un pays étranger.[10]

b) Règles modulant la compétence juridictionnelle internationale des autorités du Québec

Un certain nombre de dispositions contenues dans le CCQ visent à moduler la compétence d’une autorité québécoise, soit en acceptant d’exercer ses fonctions en l’absence de compétence juridictionnelle ou soit de refuser l’exercice de sa compétence en faveur d’une autre juridiction.

Absence de compétence et exercice de la compétence juridictionnelle

Dans certaines circonstances, une autorité québécoise peut être autorisée à entendre un recours même si elle n’a pas compétence pour rendre une décision sur le fond de l’affaire juridique conformément à l’art. 3153 CCQ.

Il est à noter qu’un jugement rendu par une autorité québécoise selon les articles du CCQ suivant pourrait devoir être reconnu et exécuté dans un pays étranger pour être valide. Toutefois, une décision rendue par un tribunal québécois selon les articles suivants pourrait ne pas être reconnue et exécutée à l’étranger si le tribunal étranger déclare l’absence de compétence du tribunal québécois.[11] En ce sens, les recours suivants ne seront réellement utiles que si une exécution au Québec est possible.

1) Forum de nécessité (art. 3136 CCQ) :

Bien qu’une autorité québécoise soit compétente pour connaître un litige, elle peut, néanmoins, si une action à l’étranger se révèle impossible ou si on ne peut exiger qu’elle y soit introduite, entendre le litige si celui-ci présente un lien suffisant avec le Québec.

Cette règle vise à établir la compétence d’une autorité québécoise dans les cas où intenter un recours à l’étranger s’avérerait impossible ou serait déraisonnablement exigeant. Cependant, il doit exister un lien suffisant entre le litige et la compétence du Québec pour pouvoir invoquer cette disposition avec succès.

Le seul fait qu’il serait plus pratique pour une partie d’intenter son recours au Québec n’est pas suffisant. Il doit être quasiment impossible d’intenter un recours à l’étranger.[12]

2) Urgence (3140 CCQ) :

En cas d’urgence ou d’inconvénients sérieux, les autorités québécoises sont compétentes pour prendre les mesures qu’elles estiment nécessaires à la protection d’une personne qui se trouve au Québec ou à la protection de ses biens s’ils y sont situés.

Cette disposition s’applique exclusivement en situation d’urgence ou d’inconvénients sérieux et dans l’unique but de protéger soit une personne, soit un bien situé au Québec.[13]

3) Mesures provisoires (3138 CCQ) :

Une autorité québécoise peut ordonner des mesures provisoires ou conservatoires, même si elle n’est pas compétente pour émettre un jugement sur le fond du litige.  Il est possible de demander des injonctions et des mesures de sauvegarde avec une portée extraterritoriale. Toutefois, si l’effet de la mesure provisoire dépasse les limites territoriales du Québec, la reconnaissance et l’exécution du jugement québécois seront nécessaires dans cette juridiction étrangère.

Pouvoir discrétionnaire des tribunaux du Québec en absence de compétence

Un tribunal québécois compétent peut utiliser son pouvoir discrétionnaire pour décliner compétence dans certaines circonstances.

Forum non conveniens (3135 CCQ) :

Même si une autorité québécoise est compétente pour connaître d’un litige, elle peut, exceptionnellement et à la demande d’une partie, décliner cette compétence si elle estime que les autorités d’un autre État sont plus aptes trancher le litige.

La doctrine forum non conveniens est un mécanisme discrétionnaire qui tient compte de certains facteurs lors du déclin de la compétence en faveur d’une juridiction étrangère.

Ces facteurs incluent, mais ne sont pas limités à :[14]

1. La résidence des parties et des témoins ;

2. L’emplacement des éléments de preuve ;

3. Le lieu où l’acte juridique (ex. un testament) a été formé, ou l’endroit où il doit être exécuté ;

4. L’existence d’une action déjà intentée dans une autre juridiction, et le degré d’avancement du litige ;

5. L’emplacement de la propriété du défendeur ;

6. La loi applicable au litige ;

7. Les avantages du demandeur dans le choix du forum original ;

8. L’intérêt de la justice ; et

9. La nécessité éventuelle de reconnaître et d’exécuter le jugement dans cette autre juridiction.

Litispendance (3137 CcQ) :

L’autorité québécoise, à la demande d’une partie, peut, quand une action est introduite devant elle, surseoir à statuer si une autre action entre les mêmes parties, fondée sur les mêmes faits et ayant le même objet, est déjà pendante devant une autorité étrangère, pourvu qu’elle puisse donner lieu à une décision pouvant être reconnue au Québec, ou si une telle décision a déjà été rendue par une autorité étrangère.

Il est donc possible pour une autorité québécoise de décliner sa compétence lorsqu’une autre action a été intentée à l’étranger afin d’éviter une multiplicité de procédures et de jugements contradictoires.

Si l’autorité québécoise est saisie du litige en premier, elle ne refusera pas la compétence. De plus, une autorité québécoise ne déclinera sa compétence que si le jugement étranger est susceptible d’être reconnu et exécuté au Québec.[15]

[1] Patrick Ferland & Guillaume Laganière, « Les conflits de juridiction » (2017) vol. 7, Contrats, sûretés et publicité des droits, Collection de droit 2017-2018 École du Barreau du Québec, EYB2017CDD275 à p. 3.

[2] Ibid, à p. 5.

[3] Google inc. c. Equustek Solutions Inc. 2017 SCC 34.

[4] Ferland, Supra note 2 à p. 6.

[5] Civil Code of Quebec (CCQ), CQLR c CCQ-1991 at Art. 3153.

[6] Édith Vézina, « Les Successions en Droit International Privé » (2010) vol 112:3, Revue du notariat à p. 396.

[7] CCQ, Supra note 5 à Art. 3098

[8] Ibid, à Art. 3099.

[9] Ibid à Art. 3153 al. 2.

[10] Vézina, Supra note 7 à p. 398.

[11] Ibid, à p. 402.

[12] Zoungrana c.Air Algérie, 2016 QCCS 2311.

[13] Ortega Figueroa c. Jenckel, 2015 QCCA 1393.

[14] Ferland, Supra note 2 à p.22.

[15] Vézina, Supra note 7 à p. 399.

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Le processus présenté ci-dessus ne constitue qu’un outil de référence et ne comporte aucune garantie relative à votre dossier. Nous vous recommandons fortement de recourir aux conseils juridiques d’un avocat, membre en règle du Barreau du Québec. Les particularités propres à chaque cas d’espèce doivent faire l’objet d’une analyse exhaustive puisque le processus peut s’avérer complexe et techniquement difficile.

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