LOI APPLICABLE

Le droit québécois sur la succession ne fait pas de distinction entre les biens meubles et immeubles en ce qui concerne la liquidation d’une succession.

Cependant, le droit international privé du Québec a adopté le principe de la scission selon l’art. 3098 CCQ, selon laquelle la succession d’immeubles est régie par la loi de leur emplacement et que la succession de biens meubles est régie par la loi du dernier domicile du défunt. Ceci s’applique indépendamment du fait que la succession soit de nature ab intestate ou de nature testamentaire.

En conséquence, une succession ab intestate ou une succession testamentaire sans choix de loi explicite sera divisée en conséquence :

1.         Une masse de biens composée de tous les biens meubles du défunt ; et

2.         Autant de masses d’immeubles qu’il y a d’immeubles dans des États distincts.

Cela signifie qu’un tribunal du Québec peut devoir appliquer la loi d’une autre province ou d’un autre pays pour statuer sur un litige.

La qualification de biens meubles ou immeubles sera déterminée par la loi du lieu où ils se trouvent.

Scénario 1

John était domicilié pour la dernière fois au Québec avant de décéder. Sa succession comprend, entre autres, des immeubles en Floride, en Espagne et au Québec.

Selon l’art. 3098 CCQ, chaque immeuble sera régi par la loi de leur situation. Ce qui signifie que l’immeuble situé en Floride sera régi par la loi de succession de la Floride, que l’immeuble situé en Espagne sera régi par la loi de l’Espagne et que le reste sera régi par la loi sur la succession du Québec.

Une de ses héritières, Jane, qui est également domiciliée au Québec, souhaite contester le partage de la succession devant un tribunal québécois.

L’autorité québécoise devra donc appliquer les lois de l’Espagne et de la Floride en ce qui concerne la liquidation et le partage des immeubles situés en Espagne et en Floride.

Le droit international privé du Québec a également adopté le concept de professio juris selon l’art. 3098 al. 2 CCQ, permettant ainsi à un testateur de choisir une seule loi pour régir la totalité de la succession, pour autant que la loi choisie soit celle de son domicile ou de sa nationalité au moment du décès ou de la rédaction du testament.

Le choix de la loi doit être explicite dans le testament et ce choix de loi sera soumis à certaines restrictions telles que l’absence d’un lien significatif avec la loi choisie en plus de l’application de règles impératives protégeant la famille immédiate du défunt.

Scénario 2:

John était domicilié au Québec avant de décéder et possédait des biens meubles et immeubles au Québec, en Ontario, en Floride et en France.

Afin d’éviter que quatre lois ne s’appliquent à ses immeubles, John a écrit dans son testament qu’il souhaitait que toute sa succession soit régie par le droit du Québec.

Le liquidateur de la succession à John n’aura donc qu’à se soucier de la loi québécoise pour liquider sa succession.

La loi de la succession déterminera les successeurs et leurs droits, notamment :[1]

1.         L’héritage (qualité nécessaire pour qu’une personne soit appelée dans une succession, c’est-à-dire le lien familial nécessaire) ;

2.         La détermination des parts respectives ;

3.         Les droits de la succession ayant leur source dans le décès du défunt, y compris les paiements partiels et l’indemnisation sur la succession ordonnée par une autorité judiciaire ;

4.         La possibilité d’une réserve héréditaire et ses effets ;

5.         Le quota disponible ;

6.         La partition ;

7.         Le mode de transmission des biens ;

8.         La validité intrinsèque (essentielle) du testament ;

9.         Les charges et conditions qu’un testateur peut imposer aux héritiers et aux légataires ;

10.   Les causes de révocation et nullité des legs et de leurs effets ;

11.   Les causes de révocation et de défaillance du partage et la rédaction de dons ;

12.   La liquidation de la succession ;

13.   La liquidation des dettes incluant :

a.         La détermination des personnes responsables du paiement des dettes ;

b.         L’étendue de leurs responsabilités ;

c.         L’ordre de paiement ;

d.         La réduction des legs particuliers en cas d’insolvabilité de la succession ; et

e.         La contribution aux dettes et à la masse des biens à partir desquels les créanciers peuvent être payés.

Quant aux formalités d’un testament, peu de difficultés surgissent en pratique du point de vue du droit québécois compte tenu de la règle énoncée à l’art. 3109 CCQ où la forme d’un acte juridique, tel qu’un testament, est régie par la loi du lieu où il a été conclu.

Cependant, un testament sera néanmoins valable s’il est fait dans la forme prescrite par la loi applicable au contenu du testament, par la loi où la propriété qui fait l’objet du testament est située au moment où le testament a été rédigé.

L’homologation d’un testament ne doit pas nécessairement se produire dans plusieurs juridictions, et il n’est pas nécessaire de demander la reconnaissance judiciaire du jugement d’homologation rendu par un autre tribunal, sauf en cas de désaccord entre héritiers, intervention du créancier ou un doute que le jugement d’homologation ne serait pas reconnu ici.[2]

Il suffira de déposer le jugement d’homologation dans le procès-verbal du notaire québécois conformément à l’art. 2822 CCQ afin de faire valider le testament au Québec.[3]

Il convient également de noter qu’il est possible d’avoir deux testaments coexistant dans différentes juridictions, à condition que chaque testament reconnaisse l’existence de l’autre.

Règles obligatoires

Certains États ont des règles obligatoires conçues pour protéger la famille immédiate du défunt. Ces règles impératives peuvent prendre la forme d’une réserve héréditaire, d’une obligation de partager un certain pourcentage de la succession, soit par la propriété réelle, soit par l’usufruit. Dans une succession internationale, les règles impératives ne s’appliqueront qu’à la masse de biens qu’elle réglemente.

Scénario 3:

John est décédé le mois dernier à Montréal, le lieu de son dernier domicile. Sa succession comprend des biens meubles et immeubles de la province de Québec évalués à 500,000.00 $, en plus d’un immeuble situé en Espagne d’une valeur de 200,000.00 $. John a un fils et une femme, mais dans son testament, il décide de tout laisser à sa femme.

En vertu de la loi d’Espagne dans certaines régions, le fils de John a droit à une réserve héréditaire. Par conséquent, le fils de John réclame un certain pourcentage de la totalité de la succession d’une valeur de 700 000,00 $.

Cependant, le fils de John n’a droit qu’à la réserve héréditaire en ce qui concerne la valeur de l’immeuble situé en Espagne. Sinon, nous appliquerions la loi espagnole aux immeubles situés au Québec.

La loi successorale du Québec ne prévoit pas de telles règles ou protection obligatoires. Cependant, on ne peut chercher à nier l’effet d’une règle impérative par une clause de choix de loi en faveur du droit des successions du Québec, car cela priverait la protection des personnes auxquelles elles auraient autrement droit en l’absence de cette disposition.

Scénario 4

 

John est décédé le mois dernier à Montréal, le lieu de son dernier domicile. Sa succession comprend des biens meubles et immeubles situés en Espagne, en Floride et au Québec. John laisse deux enfants et sa femme. Cependant, dans son testament, il décide de tout laisser à sa femme.

Afin d’éviter la multiplicité des lois applicables, Jean décide d’élire la loi du Québec comme loi régissant l’intégralité de sa succession afin d’éviter l’application de la réserve héréditaire prévue par la loi espagnole.

Toutefois, compte tenu du caractère obligatoire de la réserve héréditaire, sa clause de choix de loi dans le testament favorisant le droit québécois en matière de succession n’aura aucun effet sur la privation de la réserve héréditaire à laquelle ses enfants ont droit vis-à-vis la propriété située en Espagne.

Il ne faut pas oublier que certaines juridictions n’autorisent pas la possibilité de choisir la loi d’un testament.

La validité de la clause de choix de la loi dépend non seulement de ses effets, c’est-à-dire, si elle prive ou non une personne bénéficiant d’une protection offerte par une règle impérative, mais la clause de choix de la loi peut ne pas être respectée par l’État où les biens y sont situés.[4]

Il est donc primordial de vérifier les effets de la clause de choix de la loi et de vérifier si la loi du lieu où les biens sont situés permet à une loi étrangère de réglementer la succession desdits biens situés à l’étranger.

Une fois la loi applicable identifiée, le liquidateur procédera au règlement de la succession en respectant chaque loi applicable.

[1] Jeffrey A. Talpis, « Cauchemars rencontrés dans la liquidation d’une succession internationale » (2005) Cours de perfectionnement du notariat, Chambres des notaires du Québec, EYB2005CPN10 à p.7.

[2] Ibid, à p. 11.

[3] Ibid.

[4] Jeffrey A. Talpis, « Quelques développements récents en droit des successions internationales suscitant certains débats ou soulevant quelques incertitudes » (2012) Développements récents en droit des successions et fiducies, Service de la formation continue du Barreau du Québec EYB2012DEV1885 à p. 6.

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Le processus présenté ci-dessus ne constitue qu’un outil de référence et ne comporte aucune garantie relative à votre dossier. Nous vous recommandons fortement de recourir aux conseils juridiques d’un avocat, membre en règle du Barreau du Québec. Les particularités propres à chaque cas d’espèce doivent faire l’objet d’une analyse exhaustive puisque le processus peut s’avérer complexe et techniquement difficile.

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