LA RÉTRIBUTION D’UN COURTIER IMMOBILIER

  1. INTRODUCTION

Peut-être voulez-vous acquérir ou louer un immeuble commercial ou industriel; ou peut-être êtes-vous simplement à la recherche d’une habitation? À un moment ou à un autre, nous passons tous par l’achat ou la location d’un immeuble. Bien qu’il soit commune mesure de recourir aux services d’un courtier immobilier détenant un permis valide, certains aspects juridiques rattachés à ce type de service sont méconnus du grand public. Un de ceux-ci concerne la rétribution payée au courtier pour ses services rendus, aussi appelé la commission.

Si vous avez convenu par écrit des principaux éléments du contrat, comme la rémunération du courtier, le terme du contrat ou le caractère exclusif ou non du service, les chances qu’une dispute survienne entre les différentes parties sont moindres.

Cependant, qu’en est-il lorsque le contrat est verbal? Ou lorsque les services du courtier n’ont pas été expressément acceptés, par écrit, et que celui-ci réclame une commission suite à une transaction? Qu’en est-il lorsque le contrat de courtage expire et qu’une transaction est subséquemment conclue? Le courtier peut-il encore réclamer sa commission? Les réponses diffèrent selon que le contrat de courtage est conclu dans un contexte résidentiel ou commercial.

Que vous soyez un courtier immobilier résidentiel ou commercial, ou que vous ayez à faire affaire avec un tel courtier, cet article vous permettra comprendre les principales obligations légales reliées à la commission de courtage.

  1. UN CONTRAT DE COURTAGE DOIT-IL OBLIGATOIREMENT ÊTRE ÉCRIT?

En matière résidentielle :

Vous requérez les services d’un courtier immobilier afin d’acheter, vendre ou louer une maison, un appartement ou un condominium et vous demandez si le contrat de courtage immobilier peut être verbal? Dans la plupart de ces situations, la réponse est simple : le contrat de courtage doit absolument être écrit.

En effet, autant Code civil du Québec que la Loi sur le courtage immobilier[1] (ci-après appelée la « Loi »), plus spécifiquement l’article 13 et 17 du Règlement sur les contrats et formulaires[2] (ci-après appelé le « Règlement ») entré en vigueur le 1e juillet 2012, statuent que ce type de contrat doit obligatoirement être écrit. Cette formalité s’applique sur le contrat de courtage portant sur une partie ou l’ensemble d’un immeuble résidentiel de moins de cinq logements ainsi que sur une fraction d’une copropriété. Le contrat de courtage doit être signé pour que le mandat ait effet, à défaut de quoi il pourrait être interprété comme enfreignant sur la Loi et le Règlement.

En matière commerciale :

Pour ce qui est des contrats de courtage immobilier touchant un immeuble commercial ou principalement résidentiel de plus de cinq logements, la situation est plus délicate.

Il est aujourd’hui très difficile de ne pas conclure à une obligation similaire à son corrélat résidentiel.

Ceci étant dit, les habitudes et usages commerciaux voulant qu’un tel contrat ou mandat puisse être implicite ou non-signé semblent bien ancrés.

Dans une publication de 2015, l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) constate une pratique courante dans le domaine du courtage commercial : l’absence de contrat de courtage écrit[3]. En d’autres mots, beaucoup de courtiers et leurs clients continuent de nier ce qui semble être maintenant une obligation légale.

Ces habitudes constituent un champ fertile pour les situations litigieuses portant sur la commission du courtier.

C’est pourquoi nous sommes d’avis de promouvoir une approche préventive et préconisons l’écriture de tout contrat de courtage immobilier en matière commerciale.

  1. LA COMMISSION ET LA « CAUSE EFFICIENTE »

En 1910, le Conseil privé, dans l’arrêt Burchell[4], fonde la position actuelle de la Cour suprême du Canada en matière d’appréciation du droit du courtier à sa commission :

Il serait injuste de refuser la commission du courtier s’il est la « cause efficiente » de la transaction, même si cette dernière est conclue après l’expiration de son contrat de courtage, puisque c’est grâce à ses efforts afin de réunir le vendeur/locateur ainsi que l’acheteur/locataire que cette transaction a lieu.

En d’autres mots, ce principe, repris par l’article 27 de la Loi, donne droit à l’agent à sa commission durant une « période supplémentaire » de 180 jours suite à l’expiration de son contrat.

Si, durant celle-ci, une transaction a lieu entre la personne avec qui l’agent était lié par un contrat de courtage (ie le courtier et le vendeur) et une personne qui a été intéressée par l’agent à l’immeuble (ie l’acheteur), une rémunération devrait être payé au courtier.

Il est important de mentionner qu’en cas de litige, c’est sur le courtier alléguant qu’il est la cause effective de la transaction que le fardeau de preuve pèsera (art. 2803 C.c.Q.).

De ce qui précède, le législateur cherche ainsi à prévenir les situations où un client cherche à éviter de payer son agent en attendant la fin du contrat pour sceller une vente.

Exemple :

Légende :

A = le courtier immobilier résidentiel détenant un permis

B = le vendeur

C = l’acheteur

Situation : Le 1e janvier 2016, A et B signent un contrat de courtage à travers lequel A s’engage à aider B afin de vendre une maison. Il est prévu que le contrat expirera le 1e janvier 2017. Le 2 janvier 2016, soit immédiatement après le début du contrat, A fait visiter la maison à C, un acheteur potentiel qu’il a trouvé.

Durant le reste de la période du contrat, C montre de l’intérêt mais ne fait aucune offre. D’autres clients potentiels démontrent aussi un intérêt mais autrement, aucune vente n’est conclue.

Le 2 janvier 2017, soit immédiatement après la fin du contrat, C appelle B et décide finalement d’acheter l’immeuble.

Est-ce que A  a droit à une commission?

Conclusion : OUI. Même si le contrat de  A est expiré, celui-ci a intéressé C  à l’immeuble de  B durant son contrat et la vente s’est conclue pendant la période supplémentaire prévue par la loi.

  1. CAS JURISPRUDENTIELS:

 a) Certains cas où la commission a été acceptée :

  • Lorsque le vendeur, lors de la transaction, sait que c’est l’agent qui l’a personnellement mis en relation avec l’acheteur[5];
  • Lorsque les efforts du courtier mènent à une promesse d’achat et que l’achat est retardé par des vices cachés[6] ou une acceptation de la prolongation des délais convenus[7];
  • Lorsque le courtier ne participe pas à toutes les étapes du processus de transaction[8];
  • Lorsqu’il est prouvé que les parties à la transaction ont pour but d’attendre la fin de la période supplémentaire afin d’échapper au paiement de la commission[9].

b) Certains cas où la commission à été refusée :

  • Lorsque le courtier cède volontairement sa place à un autre courtier avant la vente[10];
  • Lorsque les négociations entourant une transaction ont échoué et qu’un autre courtier prend la relève[11];
  • Lorsque le courtier accepte verbalement d’agir comme intermédiaire sans convenir expressément d’une commission quelconque[12];
  • Lorsqu’un courtier n’a que visiter lui-même la maison et s’est fait remettre des documents informatifs sur l’immeuble[13];
  • Lorsqu’une vente intervient dans la période supplémentaire mais sans que le courtier soit à la base de l’intérêt de l’acheteur pour l’immeuble[14];
  • Lorsque le courtier, malgré ses efforts de publicisation, n’a pas créé, chez l’acheteur, un « intérêt certain » pendant le contrat de courtage[15];
  • Lorsqu’un acheteur savait, pendant la durée du mandat du courtier, que la maison était en vente, mais n’y était pas intéressé[16];
  1. CONCLUSION

La Loi et son nouveau Règlement encadrent les pratiques en matière de contrat de courtage de façon à prévenir les injustices tant pour les courtiers que pour leur clients. Comme nous l’avons vu, il est de plus en plus évident que tout type de contrat de courtage nécessite une forme écrite pour être formé.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’il existe une période supplémentaire, postérieure à l’expiration du contrat, durant laquelle un courtier peut, à certaines conditions, réclamer une commission.

Nous vous recommandons fortement de recourir aux conseils juridiques d’un avocat, membre en règle du Barreau du Québec. Les particularités propres à chaque cas d’espèce doivent faire l’objet d’une analyse exhaustive puisque le processus peut s’avérer complexe et techniquement difficile.

[1] RLRQ c. C-73.2

[2] RLRQ c. C-73.2, r. 2.1

[3] OACIQ, « Pratiques particulières en immobilier commercial », publié le 20 juillet 2015, numéro d’article 124743.

[4] Burchell c. Gowrie, [1910] A.C. 614.

[5] Paquette c. St-Jean, [1954] C.S. 212

[6] Société Immobilière Devencore Ltee c. Robert, [1993] R.D.I. 403 (C.S.)

[7] Immeubles Action ltée c. Perron, J.E. 95-344 (C.S.)

[8] Royal Lepage Commercial inc . c. 3877132 Canada Inc., 2007 QCCS 2648

[9] Re/Max inc c. Dussault, 2010 QCCQ 8500

[10] Groupe Jacques Besner c. Briand, J.E. 200-813 (C.S.)

[11] Royal Lepage Commercial inc. c. Bohbot, B.E. 2004BE-538 (C.S.)

[12] Bélanger c. Versants Mont-Tremblant, 2015 QCCA 12450

[13] Morgan Trust Company c Immeubles Delrano Inc, 1986 CanLII 3756 (QC CA)

[14]Groupe Sutton actif inc. c. St-Amand, 2005 CanLII 45638 (QC CQ)

[15] Capitale Estrie Coop c. Tremblay, 2010 QCCQ 9907

[16] Re/Max de la Pointe c. Leclerc, 2007 QCCQ 13827

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Le processus présenté ci-dessus ne constitue qu’un outil de référence et ne comporte aucune garantie relative à votre dossier. Nous vous recommandons fortement de recourir aux conseils juridiques d’un avocat, membre en règle du Barreau du Québec. Les particularités propres à chaque cas d’espèce doivent faire l’objet d’une analyse exhaustive puisque le processus peut s’avérer complexe et techniquement difficile.

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