SYNDICAT ET PAIEMENT DES CHARGES COMMUNES

Syndicat et paiement des charges communes et inscription d’une hypothèque légale

A. Définition de la copropriété divise

La copropriété divise se définit comme un « droit de propriété détenu par plusieurs personnes sur un bien sans que celui-ci soit matériellement partagé entre elles ».

Celle-ci implique la répartition du droit de propriété d’un immeuble entre plusieurs personnes par fractionnement. Chacune de ces fractions comporte alors une partie dite « privative » appartenant de façon individuelle à son propriétaire ainsi qu’une part indivise comprenant généralement les parties communes. C’est le cas, par exemple, des escaliers et des ascenseurs à usage commun d’un immeuble à condominiums.

B. Définition des charges communes

On peut définir les charges communes comme « l’ensemble des frais et dépenses découlant de la copropriété ». On dit aussi que « [l]a plupart des charges communes sont dites « générales », car c’est l’ensemble des copropriétaires qui en bénéficie », par exemple :

  • Les frais relatifs à la gestion de l’immeuble;
  • Les frais de la convocation d’une assemblée de copropriétaires;
  • La rémunération des administrateurs;
  • La tenue de livre et la comptabilité du syndicat;
  • Le déneigement des entrées, le jardinage, etc.

C. Obtenir le paiement des charges communes d’un copropriétaire

La contribution de chacun des copropriétaires aux charges résultant de la copropriété et de l’exploitation de l’immeuble, ainsi qu’au fonds de prévoyance est la responsabilité du Syndicat des copropriétaires qui dispose de certains moyens pour exiger le paiement des sommes dues.

Il est important de savoir que la procédure à suivre est identique, peu importe qu’il soit question du paiement des charges communes ou de la contribution au fonds de prévoyance.

Notons aussi que, suivant l’article 1094 du Code Civil du Québec (ci-après « C.c.Q. »), le/la copropriétaire qui n’a pas acquitté sa quote-part ou sa contribution depuis plus de trois mois sera privé(e) de son droit de vote à l’assemblée des copropriétaires.

Cela ne veut pas dire que le Syndicat doit attendre trois mois avant d’agir; il vaut mieux agir le plus tôt possible lorsqu’un(e) copropriétaire fait défaut d’acquitter ses charges.

ÉTAPES À SUIVRE EN CAS DE DÉFAUT DU/DE LA COPROPRIÉTAIRE

Étape 1. La mise en demeure OU la publication d’une hypothèque légale

a. La mise en demeure

La première étape consiste à envoyer une lettre de mise en demeure au/à la copropriétaire concerné(e) afin de le/la mettre en demeure d’exécuter le paiement des dites charges ou de la dite contribution, sans oublier les intérêts sur celle-ci.

Il est important que la lettre de mise en demeure soit envoyée par courrier recommandé ou par huissier de justice afin d’obtenir une preuve de signification de ladite lettre.

À moins que cela ne soit expressément prévu par la déclaration de copropriété, il n’est pas nécessaire d’envoyer une copie de la mise en demeure au créancier hypothécaire du/de la copropriétaire en question.

Rappelons-nous toutefois que la mise en demeure est une étape préalable au recours en justice et que le/la copropriétaire concerné(e) doit avoir été mis(e) en demeure avant que le Syndicat intente un recours en justice contre celui-ci/celle-ci.

Préalablement à l’avis d’hypothèque légale, et ce, afin d’ajouter à l’efficacité de la mise en demeure, il peut être intéressant de mentionner dans celle-ci qu’advenant le non-paiement par le/la copropriétaire des sommes dues, le Syndicat se trouvera obligé d’inscrire un avis d’hypothèque légale sur la fraction du/de la copropriétaire en défaut.

b. La publication de l’hypothèque légale

Lorsque la mise en demeure ne suffit pas pour obtenir le paiement du/de la copropriétaire en défaut, le Syndicat peut alors acquérir l’hypothèque en question à l’aide d’une réquisition d’inscription présentée au Bureau de la publicité foncière.

Le Syndicat dispose dès lors d’un outil important lui permettant d’obtenir le paiement qui lui est dû. En effet, la réclamation du paiement des dépenses communes et/ou de la contribution au fonds de prévoyance permettra à celui-ci de faire publier une hypothèque dont il est créancier.

Précisons toutefois que l’hypothèque légale existe en faveur du Syndicat et non en faveur des copropriétaires eux-mêmes, ce qui implique que seul le Syndicat peut publier un avis d’hypothèque légale.

Pour que la fraction du/de la copropriétaire en défaut puisse être éventuellement grevée d’une hypothèque légale, celui-ci/celle-ci doit être en défaut de payer ses charges communes ou sa contribution au fonds de prévoyance pendant plus de trente (30) jours.

Cet avis doit indiquer le nom du/de la copropriétaire, la nature de la réclamation, le montant exigible au jour de l’inscription de l’avis, ainsi que le montant prévu pour les charges et créances de l’année financière en cours et celles des deux (2) années qui suivent (art. 2729 C.c.Q.).

Fait intéressant, l’avis d’inscription n’a pas à être signifié au/à la copropriétaire en défaut[1], mais le faire peut être utile afin que celui-ci/celle-ci exécute le paiement des sommes dues, craignant la vente forcée de son unité d’habitation.

Le Syndicat a tout avantage à requérir l’inscription de son adresse auprès de l’office de la publicité des droits, en matière foncière, afin d’être notifié si la fraction de copropriété divise sur laquelle son droit est publié est l’objet d’un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire ou autre préavis (art. 3017 C.c.Q.).

D’autant plus, l’inscription de l’hypothèque légale engendre des conséquences pour l’immeuble en question de la manière suivante :

i) La solvabilité des individus détenant l’immeuble:

L’inscription de l’hypothèque légale peut affecter la solvabilité des individus qui détiennent l’immeuble pour Transunion et Equifax (sociétés de crédit) dans l’éventualité où ils requerront obtenir du crédit sous la forme d’une carte de crédit (VISA ou autre) ou d’un prêt automobile ou bancaire.

ii) L’impact sur l’hypothèque de premier rang :

De plus, l’inscription de l’hypothèque légale entraîne des conséquences sur l’hypothèque de premier rang grevé sur votre immeuble de sorte que celui-ci ne pourra être vendu avant de radier l’avis d’hypothèque légale attachée à la propriété.

L’inscription et la publication d’une hypothèque légale sont des documents publics disponibles pour consultation par une société de prêt hypothécaire ou autre institution financière. Ainsi, l’immeuble sujet à l’hypothèque légale ne peut être vendu sans avoir préalablement radié l’hypothèque légale, car cette dernière a un impact sur l’hypothèque de premier rang.

Étape 2. Le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire

Lorsque le Syndicat entend exercer son droit hypothécaire, il doit produire un préavis d’exercice à cet effet au bureau de la publicité des droits (art. 2757 C.c.Q.).

L’importance de la production du préavis est démontrée au deuxième alinéa (2e) de l’article 3061 C.c.Q. Si aucune action n’a été préalablement intentée et publiée, l’inscription de l’hypothèque légale du Syndicat est radiée à l’expiration des trois ans de la date d’inscription.

Ce préavis doit dénoncer tout défaut du/de la copropriétaire d’exécuter ses obligations et rappeler le droit, le cas échéant, du/de la copropriétaire ou d’un tiers, de remédier à ce défaut.

Il doit aussi indiquer le montant de la créance en capital et intérêts, s’il en existe, et la nature du droit hypothécaire que le Syndicat entend exercer. De plus, il doit fournir une description du bien grevé et sommer le/la copropriétaire de délaisser le bien avant soixante (60) jours (art. 2758 C.c.Q.).

Notons que pendant et avant le délai de soixante (60) jours, il est toujours possible pour le/la copropriétaire de remédier à son défaut en payant la somme qui lui est demandée afin d’être relevé(e) de son défaut et de faire échec à l’exercice du droit du Syndicat (art. 2761 C.c.Q.).

Dans une situation où le/la copropriétaire fautif(ve) s’exécute en payant ce qui est dû au Syndicat, l’hypothèque légale s’éteindrait car l’extinction de l’obligation principale, soit les sommes dues, entraîne l’extinction de l’hypothèque qui lui est accessoire (art. 2661 et 2797 C.c.Q.).

Il appartient toutefois au copropriétaire débiteur(trice) de faire radier l’hypothèque à ses frais afin que celle-ci perde ses effets. Cela implique donc que le Syndicat devra recommencer le processus à zéro advenant un nouveau défaut du/de la copropriétaire en question.

Étape 3. Le recours en justice du Syndicat

Lorsque l’avis et la publication de l’hypothèque légale et/ou le préavis d’exercice du droit hypothécaire ne suffisent pas à inciter le/la copropriétaire à acquitter sa dette, il devient nécessaire pour le Syndicat d’introduire une demande en justice contre le/la copropriétaire en défaut dans une ou deux des manières suivantes :

a) Intenter une action personnelle

b) Exercer un droit d’action hypothécaire

a) Action personnelle contre le/la copropriétaire:

Pour autant que la réclamation soit inférieure à 15 000$ et que le Syndicat  employait au plus 5 personnes au cours des douze (12) mois précédant la demande, une action devant la Division des petites créances de la Chambre civile de la Cour du Québec pourrait même être envisagée par le Syndicat.

Autrement, le droit d’action devra s’intenter devant la Cour du Québec ou la Cour Supérieure du Québec, dépendamment du montant réclamé.

b) Droit d’action hypothécaire

Hormis l’action personnelle, le Syndicat peut alors, par voie de requête, exercer les quatre (4) droits hypothécaires suivants (art. 2748 C.c.Q.):

  • Prise de possession du bien grevé pour l’administrer;
  • Prise en paiement de sa créance;
  • Vente sous contrôle de justice;
  • Vente par lui-même.

La prise en paiement et ses conséquences

Parmi les recours qui s’offrent au Syndicat pour exercer son droit hypothécaire, la prise en paiement est une façon de procéder qui peut avoir des conséquences fâcheuses pour le/la copropriétaire en défaut de payer les sommes dues.

Si celui-ci/celle-ci ne paye pas ce qu’il/elle doit avant la fin du délai de soixante (60) jours ou avant que le bien n’ait été pris en paiement, il/elle risque de se retrouver privé(e) de son immeuble pour avoir fait défaut de payer une dette dont la valeur était bien inférieure à celle dudit immeuble.

Selon une récente décision de la Cour d’Appel, on ne saurait conclure à une situation d’enrichissement injustifié par l’exercice de ce recours, et ce, même si un préjudice réel est causé au débiteur parce que la créance n’est que de deux mille dollars (2 000$) et que la propriété vaut plus de cent cinquante mille dollars (150 000$)[2].

Prescription de l’hypothèque légale 

On comprend donc que l’hypothèque légale du Syndicat est valide seulement pour l’année financière en cours et les deux années subséquentes. Par ailleurs, l’hypothèque légale du Syndicat sur la fraction d’un(e) copropriétaire s’éteint trois ans après son inscription, à moins que le Syndicat, afin de la conserver, ne publie une action contre le/la propriétaire en défaut ou n’inscrive un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire (art. 2800 C.c.Q.).

Réclamation des honoraires extrajudiciaires engagés pour l’exercice de ses droits hypothécaires

Certaines déclarations de copropriété prévoient expressément que les frais d’avocat, ou honoraires extrajudiciaires, seront récupérables par le Syndicat, en plus des frais de publication et des charges communes dues.

Toutefois, l’article 2762 C.c.Q. prévoit que le Syndicat n’a le droit d’exiger du/de la copropriétaire aucune indemnité autre que les intérêts échus et les frais engagés.

Selon le deuxième (2e) alinéa de l’article 2762 C.c.Q., les frais engagés excluent les honoraires extrajudiciaires dus par le Syndicat pour des services professionnels qu’il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l’hypothèque légale[3].

Toutefois, la Cour d’appel a néanmoins décidé que le syndicat des copropriétaires a droit à des dommages-intérêts pour compenser les importants frais juridiques encourus[4]. À savoir, la condamnation au paiement des honoraires extrajudiciaires doit se justifier sur la base de la déclaration de copropriété[5].

Futur acquéreur d’un condo : prenez garde!

Si vous envisagez acquérir une fraction de copropriété divise (condo) d’un propriétaire actuel, il vous faut faire preuve de prudence, car vous serez tenu au paiement de toutes les charges communes dues relativement à cette fraction au moment de l’acquisition (art. 1069 C.c.Q.).

Comme le prévoit la loi, celui ou celle qui se propose d’acquérir une fraction de copropriété peut néanmoins demander au Syndicat un état des charges communes dues relativement à cette fraction et le Syndicat est, de ce fait, autorisé à le lui fournir, sauf à en aviser au préalable le propriétaire de la fraction ou ses ayants cause; le/la proposant(e) acquéreur n’est alors tenu(e) au paiement de ces charges communes que si l’état lui est fourni par le syndicat dans les quinze (15) jours de la demande (art. 1069 al.2 C.c.Q.).

Si des charges communes sont dues, cet élément peut certainement être utilisé en votre faveur lors de la négociation du prix de vente avec le/la vendeur(se).

 

[1] Collection de droit, Volume 6, page 145.

[2] Agalakov Sheloykina c. Syndicat des copropriétaires Les habitations Poupart, 2012 QCCA 1620 (CanLII), <http://canlii.ca/t/fsr9b> consulté le 2015-09-06.

[3] Tiffany Towers Condominium Association c. Schnabel, 2010 QCCQ 8300 (CanLII), <http://canlii.ca/t/2ctrs> consulté le 2015-09-06.

[4] Schnabel v. Tiffany Towers Condominium Association, 2012 QCCA 2192 (CanLII), par. 9-10.

[5] Bédard c. Cooper, 2013 QCCQ 14986 (CanLII), <http://canlii.ca/t/g28gw> consulté le 2015-09-06.

Si vous recherchez un cabinet d’avocat qui propose des honoraires raisonnables, un traitement rapide et efficace de vos dossiers et un suivi personnalisé et efficace, n’hésitez pas à communiquer avec Schneider Avocats au (514) 439-1322 ext. 112 ou par courriel à l’adresse : info@schneiderlegal.com

Le processus présenté ci-dessus ne constitue qu’un outil de référence et ne comporte aucune garantie relative à votre dossier. Nous vous recommandons fortement de recourir aux conseils juridiques d’un avocat, membre en règle du Barreau du Québec. Les particularités propres à chaque cas d’espèce doivent faire l’objet d’une analyse exhaustive puisque le processus peut s’avérer complexe et techniquement difficile.

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